Samedi un jour comme un autre… Ou finalement pas…
Car hier, au Bardo, pourrait aussi être pris comme pour la première confrontation qu’on voudra qualifier de fratricide (malgré tout ce qui a pu être dit) entre les deux principaux courants qui régissent la vie politique tunisienne. En effet, la « majorité » ayant voulu faire une démonstration de force, après, surtout, la sortie en masse des modernistes pour soutenir le mouvement de protestation contestant les évènements de La Manouba.
Les sympathisants d’Ennahdha avaient appelé à soWrtir en masse pour soutenir leur mouvement et faire entendre leurs voix. Mais, Ennahdha leur avait demandé de ne rien en faire. Cependant, les jeunes du mouvement souhaitaient faire leur sit-in. Ils auraient demandé et obtenu une autorisation de deux heures pour cela. Par la suite, ils auraient quitté les lieux.
Les modernistes étaient présents sur place pour soutenir et appuyer les revendications du mouvement Bardo 1. Ils ont appelé au renfort, car ils se trouvaient dépassés par le nombre très important, il faut le souligner, de l’autre camp. Retranchés et entassés derrière les barrières d’un côté et des tentes de l’autre, leur nombre reste difficile à estimer, mais ils étaient nettement inférieurs aux « représentants de la majorité ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait une ambiance de stade ou d’avant-match, comme si c’était un derby. On a même entendu des chansons de stade modifiées et aperçu le drapeau du Club Africain juste à côté du drapeau historique de l’islam (le noir et blanc).
À droite, la présence massive de ce drapeau de l’islam et même l’apparition d’un autre rouge et blanc (allusion au drapeau tunisien peut-être). À gauche beaucoup de drapeaux de la Tunisie. Lorsqu’un côté entonnait son fameux « echa3bou moslem wa lan yastaslem » (le peuple est musulman et n’y renoncera pas), l’autre, voulant se montrer plus patriotique, répondait par l’hymne national. Les uns chantaient « echa3b yourid is9at el 3elmania » (« le peuple veut la chute de la laicité ») les autres « echa3b yourid is9at erraj3ia ». Bref, une ambiance à laquelle «joumhour estad» (le public du stade) est habitué et dans laquelle un « virage » répond à l’autre.
Les pancartes, qui étaient la plupart en langue arabe, étaient aussi expressives d’un côté que de l’autre. Il était à déplorer des provocations du style « où est ton mari ? », « ta barbe ne te démange pas », « t’es pas un homme avec tes cheveux longs », « rase-moi cette saleté » et d’autres plus dégradantes qui sont condamnables et surtout hors contexte. Les « digage » ayant aussi, regrettablement, foisonné.
Ce qui était le plus remarquable, c’était la présence en force de la police qui a séparé les deux camps avec les barrières, et ce, afin de laisser la route libre aux… automobilistes. Les deux camps profitèrent de la situation pour faire passer des voitures avec des drapeaux.
L’apparition du « Conseil de protection de la révolution du Grand-Tunis », dont les membres, la plupart avec des bardes, avaient des dossards et des badges, en a étonné plus d’un dont moi. Intrigué, j’ai interrogé leur représentant sur cette présence, un peu tardif vu que samedi était le quatrième jour de sit-in. Il nous a affirmé que le mouvement était là pour protéger la révolution et les manifestants des deux côtés, pour éviter tout grabuge et pour prêter main-forte à la police. Un autre, muni de son laptop et d’une clé 3G, a déclaré qu’ils étaient également là pour reporter les faits et éviter les rumeurs.
Certains jeunes, dont quelques-uns portant des tee-shirts du mouvement Ennahdha, exigeaient pour qu’on puisse leur poser des questions une carte de presse, sous peine d’un petit « Dégage ». D’autres n’autorisaient que la présence d’Al Jazeera et d’autres médias étrangers, refusant les locaux, car selon leur dire la télévision nationale et la plupart des médias nationaux sont impartiaux et prennent parti contre le mouvement Ennahdha.
Pour eux, à la plupart des débats télévisés, ne sont invitées que de grandes figures de la gauche tunisienne, anti-nahdhaouies… Certains trouvent que l’apparition de Elyes Gharbi et de Haithem Mekki, d’anciens présentateurs de Nessma (qui n’a pas une très bonne réputation dans le camp nahdaoui) à la télévision nationale prouve encore l’impartialité de la Télévision Nationale.
D’autres ont affirmé que l’islam était menacé et qu’il subissait une guerre sans merci de la part des gouvernements occidentaux et d’organismes franc-maçonniques ; ceux-ci finançant le côté opposé.
L’autre camp a dénoncé la tentative du mouvement Ennahdha de créer un régime semblable à celui du RCD. Le mouvement islamiste est accusé d’avoir un financement douteux venant, surtout, du Qatar, et d’abuser de la majorité obtenue lors de l’élection, afin de mettre en place un dispositif d’une nouvelle dictature vêtue d’une robe démocratique. Toujours l’autre camp a mis à l’index, également, « Al Jazeera » d’être impartiale et de déformer les faits pour servir les intérêts du parti financé par le pays d’origine de cette chaîne arabe.
Le côté « gauche » s’est défendu d’être contre l’islam, mais rejette le niqab, s’appuyant sur l’idée que l’avènement de la révolution n’est pas venu pour servir un autre Califat. Il était pour défendre ses idées.
Le côté islamiste a affirmé qu’il n’était pas contre de la plupart des demandes du sit-in du Bardo, mais que, selon lui, cette action retardait le travail de la Constituante. L’autre « rive » a voulu imposer ses voix et voie. Le déplacement des « islamistes » était surtout pour « protéger leur révolution » contre les « mécréants » et les « islamophobes » ne connaissant même pas les demandes des sitineurs.
Pour eux, le constat paraît clair : des préjugés couplés à une désinformation énorme menés par des pages de certains réseaux sociaux comme Facebook, qui s’empressent de donner des « scoops » et des informations quelques fois mensongères et dirigées pour diviser le peuple. C’est un terrible manque de communication entre les deux camps, comme s’ils devaient s’insulter ou se détester, alors que la plupart de leurs avis convergent et que leurs buts se confondent.
Il faudrait seulement préciser que le camp islamiste a été infiltré par certaines personnes qui refusent catégoriquement la cohabitation et veulent imposer la chariaa. Bien que peu nombreux lors de la manifestation, ils ont bien fait entendre leur voix. Certains courants, qu’on pourrait qualifier d’extrémistes, ont rejoint les « modérés ».
La plupart des sympathisants sont à mes yeux victimes de la guerre froide entre les partis pour le partage du « gâteau » au risque de passer à côté de l’essentiel : l’avenir de la Tunisie !
Article paru sur WEBDO:
http://www.webdo.tn/2011/12/04/opinion-mon-temoignage-d-un-samedi-pas-comme-les-autres-au-bardo/
Car hier, au Bardo, pourrait aussi être pris comme pour la première confrontation qu’on voudra qualifier de fratricide (malgré tout ce qui a pu être dit) entre les deux principaux courants qui régissent la vie politique tunisienne. En effet, la « majorité » ayant voulu faire une démonstration de force, après, surtout, la sortie en masse des modernistes pour soutenir le mouvement de protestation contestant les évènements de La Manouba.
Les sympathisants d’Ennahdha avaient appelé à soWrtir en masse pour soutenir leur mouvement et faire entendre leurs voix. Mais, Ennahdha leur avait demandé de ne rien en faire. Cependant, les jeunes du mouvement souhaitaient faire leur sit-in. Ils auraient demandé et obtenu une autorisation de deux heures pour cela. Par la suite, ils auraient quitté les lieux.
Les modernistes étaient présents sur place pour soutenir et appuyer les revendications du mouvement Bardo 1. Ils ont appelé au renfort, car ils se trouvaient dépassés par le nombre très important, il faut le souligner, de l’autre camp. Retranchés et entassés derrière les barrières d’un côté et des tentes de l’autre, leur nombre reste difficile à estimer, mais ils étaient nettement inférieurs aux « représentants de la majorité ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait une ambiance de stade ou d’avant-match, comme si c’était un derby. On a même entendu des chansons de stade modifiées et aperçu le drapeau du Club Africain juste à côté du drapeau historique de l’islam (le noir et blanc).
À droite, la présence massive de ce drapeau de l’islam et même l’apparition d’un autre rouge et blanc (allusion au drapeau tunisien peut-être). À gauche beaucoup de drapeaux de la Tunisie. Lorsqu’un côté entonnait son fameux « echa3bou moslem wa lan yastaslem » (le peuple est musulman et n’y renoncera pas), l’autre, voulant se montrer plus patriotique, répondait par l’hymne national. Les uns chantaient « echa3b yourid is9at el 3elmania » (« le peuple veut la chute de la laicité ») les autres « echa3b yourid is9at erraj3ia ». Bref, une ambiance à laquelle «joumhour estad» (le public du stade) est habitué et dans laquelle un « virage » répond à l’autre.
Les pancartes, qui étaient la plupart en langue arabe, étaient aussi expressives d’un côté que de l’autre. Il était à déplorer des provocations du style « où est ton mari ? », « ta barbe ne te démange pas », « t’es pas un homme avec tes cheveux longs », « rase-moi cette saleté » et d’autres plus dégradantes qui sont condamnables et surtout hors contexte. Les « digage » ayant aussi, regrettablement, foisonné.
Ce qui était le plus remarquable, c’était la présence en force de la police qui a séparé les deux camps avec les barrières, et ce, afin de laisser la route libre aux… automobilistes. Les deux camps profitèrent de la situation pour faire passer des voitures avec des drapeaux.
L’apparition du « Conseil de protection de la révolution du Grand-Tunis », dont les membres, la plupart avec des bardes, avaient des dossards et des badges, en a étonné plus d’un dont moi. Intrigué, j’ai interrogé leur représentant sur cette présence, un peu tardif vu que samedi était le quatrième jour de sit-in. Il nous a affirmé que le mouvement était là pour protéger la révolution et les manifestants des deux côtés, pour éviter tout grabuge et pour prêter main-forte à la police. Un autre, muni de son laptop et d’une clé 3G, a déclaré qu’ils étaient également là pour reporter les faits et éviter les rumeurs.
Certains jeunes, dont quelques-uns portant des tee-shirts du mouvement Ennahdha, exigeaient pour qu’on puisse leur poser des questions une carte de presse, sous peine d’un petit « Dégage ». D’autres n’autorisaient que la présence d’Al Jazeera et d’autres médias étrangers, refusant les locaux, car selon leur dire la télévision nationale et la plupart des médias nationaux sont impartiaux et prennent parti contre le mouvement Ennahdha.
Pour eux, à la plupart des débats télévisés, ne sont invitées que de grandes figures de la gauche tunisienne, anti-nahdhaouies… Certains trouvent que l’apparition de Elyes Gharbi et de Haithem Mekki, d’anciens présentateurs de Nessma (qui n’a pas une très bonne réputation dans le camp nahdaoui) à la télévision nationale prouve encore l’impartialité de la Télévision Nationale.
D’autres ont affirmé que l’islam était menacé et qu’il subissait une guerre sans merci de la part des gouvernements occidentaux et d’organismes franc-maçonniques ; ceux-ci finançant le côté opposé.
L’autre camp a dénoncé la tentative du mouvement Ennahdha de créer un régime semblable à celui du RCD. Le mouvement islamiste est accusé d’avoir un financement douteux venant, surtout, du Qatar, et d’abuser de la majorité obtenue lors de l’élection, afin de mettre en place un dispositif d’une nouvelle dictature vêtue d’une robe démocratique. Toujours l’autre camp a mis à l’index, également, « Al Jazeera » d’être impartiale et de déformer les faits pour servir les intérêts du parti financé par le pays d’origine de cette chaîne arabe.
Le côté « gauche » s’est défendu d’être contre l’islam, mais rejette le niqab, s’appuyant sur l’idée que l’avènement de la révolution n’est pas venu pour servir un autre Califat. Il était pour défendre ses idées.
Le côté islamiste a affirmé qu’il n’était pas contre de la plupart des demandes du sit-in du Bardo, mais que, selon lui, cette action retardait le travail de la Constituante. L’autre « rive » a voulu imposer ses voix et voie. Le déplacement des « islamistes » était surtout pour « protéger leur révolution » contre les « mécréants » et les « islamophobes » ne connaissant même pas les demandes des sitineurs.
Pour eux, le constat paraît clair : des préjugés couplés à une désinformation énorme menés par des pages de certains réseaux sociaux comme Facebook, qui s’empressent de donner des « scoops » et des informations quelques fois mensongères et dirigées pour diviser le peuple. C’est un terrible manque de communication entre les deux camps, comme s’ils devaient s’insulter ou se détester, alors que la plupart de leurs avis convergent et que leurs buts se confondent.
Il faudrait seulement préciser que le camp islamiste a été infiltré par certaines personnes qui refusent catégoriquement la cohabitation et veulent imposer la chariaa. Bien que peu nombreux lors de la manifestation, ils ont bien fait entendre leur voix. Certains courants, qu’on pourrait qualifier d’extrémistes, ont rejoint les « modérés ».
La plupart des sympathisants sont à mes yeux victimes de la guerre froide entre les partis pour le partage du « gâteau » au risque de passer à côté de l’essentiel : l’avenir de la Tunisie !
Article paru sur WEBDO:
http://www.webdo.tn/2011/12/04/opinion-mon-temoignage-d-un-samedi-pas-comme-les-autres-au-bardo/
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